Alors que plus de la moitié de la population mondiale se trouvait confinée au début du mois d'avril, le Covid-19 a mis au grand jour les inégalités et la détresse sociale en milieu urbain dans le monde entier. Dans ces conditions, le nombre de cas de violence domestique, de troubles civils et d'autres crimes a atteint un niveau record, du fait que les restrictions de mouvement, la perte de revenus, l'isolement, les niveaux élevés de stress et d'anxiété génèrent des tensions dans les foyers.
On a également constaté une recrudescence du profilage racial, de la mauvaise gestion par les autorités de situations qui ont conduit à la violence, et donc de la méfiance de nos communautés à l'égard des institutions qui devraient les protéger. L'expérience d'apprentissage en direct sur la sécurité publique visait à partager des expériences locales sur les villes plus sûres, et les participant·e·s ont souligné l'importance de la lutte contre les inégalités comme pierre angulaire pour rendre les villes plus sûres.
L’expérience d’apprentissage en direct sur la sécurité publique s’est tenue le 25 juin dernier. Elle a été introduite par Emilia Saiz, secrétaire générale de CGLU, qui a reconnu d'emblée les difficultés à aborder ce sujet d'un point de vue local et régional. Les sphères de gouvernement les plus proches des citoyen·ne·s, a-t-elle déclaré, s'occupent de cette question même si souvent elles n'ont pas le pouvoir ou les ressources nécessaires pour initier des changements. Pourtant, c'est aux collectivités territoriales, en tant que sphère la plus proche de ses communautés, qu’il revient de lancer un débat sur la sécurité, de notre propre point de vue.
« Il est pénible de constater à quel point les communautés sont fragiles et vulnérables. Nous devons rassembler les connaissances que nous avons accumulées autour de ce sujet, nous devons être créatifs, et nous devons, en tant que CGLU, ONU-Habitat et Metropolis, contribuer à la mise en place d'un programme de sécurité solide ».
La directrice exécutive d'ONU-Habitat, Maimunah Mohd Sharif, a déclaré qu'« il ne peut y avoir de développement durable sans sécurité, et de même aucune sécurité sans développement durable ». C'est cet impératif, a-t-elle souligné, qui a conduit les États membres de l'ONU à adopter les Lignes directrices pour des villes et des établissements humains plus sûrs. Celles-ci, a-t-elle souligné, incluent des pratiques innovantes qui vont au-delà d'une approche « uniquement policière » et abordent la sécurité comme une question de meilleure gouvernance urbaine, incluant tous les habitant·e·s, sans distinction fondée sur l’origine ethnique, le sexe ou l'âge.
« Toute société diversifiée exige que les gouvernements nationaux et locaux ainsi que la société civile investissent dans la cohésion sociale contre la discrimination et les inégalités », a-t-elle ajouté.
Martha Delgado, vice-ministre mexicaine des affaires multilatérales et des relations internationales et présidente de l'Assemblée d'ONU-Habitat, a souligné que la sécurité est une question cruciale qui a de nombreuses corrélations avec l'agenda de paix et doit donc être un objectif dans tous les agendas mondiaux. La vice-ministre a également fait valoir que les communautés vulnérables telles que les personnes LGBTQ, les personnes handicapées et les femmes, avaient souffert le plus des inégalités tout au long de la pandémie et étaient donc plus vulnérables à l'insécurité.
« Les vulnérabilités et l'exclusion, y compris la violence domestique, se sont aggravées dans le contexte du Covid. Il est fondamental que nous encouragions des alliances multiniveaux et multipartites pour parvenir à un développement urbain durable, prendre en compte ces vulnérabilités et protéger les droits de l'Homme ».
Mxolisi Kaunda, maire de Durban, a ouvert le premier panel, qui était modéré par Shipra Narang Suri, cheffe du service des pratiques urbaines d'ONU-Habitat. Il a souligné comment la pandémie du Covid-19 avait mis en évidence les inégalités existantes, en particulier celles liées aux origines ethniques et au sexe, et a présenté les initiatives de Durban pour réduire les inégalités qui conduisent à l'insécurité.
Luis Ernesto Gómez, secrétaire de l’Intérieur de Bogota, a fait part d'une approche similaire de la sécurité et a expliqué comment, dans la ville de Bogota, la sécurité appelle une nouvelle dimension, celle de la sécurité économique. Il a également souligné l'importance de la confiance entre les communautés, et les autorités, comme seul moyen d'accroître le respect des normes sociales et d'aider à avoir une sécurité économique, une biosécurité et une sécurité traditionnelle.
Carolina Leitao, maire de la municipalité de Peñalolén (Santiago), a ensuite abordé la relation entre les inégalités, la sécurité urbaine et la pandémie, en soulignant que les pics de contagion étaient également concentrés dans les zones les plus vulnérables et les plus touchées par la criminalité. La maire a indiqué qu'une forte coordination interinstitutionnelle était essentielle pour assurer la sécurité pendant la pandémie.
Le maire de Guadalajara, Ismael Del Toro, a expliqué comment la ville s'était efforcée de passer de la mise en œuvre de la sécurité à la co-création de sécurité, dans le but de lutter contre les inégalités, et que l'objectif était désormais de garantir la sécurité des espaces publics pour tous les citoyen·ne·s, en particulier les femmes et les personnes les plus vulnérables.
Guillermo Cespedes, chef de la prévention de la violence à la ville de Oakland, a souligné que les contributions des communautés sont essentielles pour restaurer la relation entre les institutions et ces mêmes communautés, en particulier à un moment où les institutions semblent plus éloignées que jamais de leurs populations. Pour restaurer cette crédibilité, Oakland a fait valoir que la coordination entre les sphères du gouvernement est essentielle, tout comme la réévaluation de la manière dont les villes dépensent leur budget afin de réduire les inégalités qui conduisent à des troubles.
Franz Vanderschueren, directeur de la sécurité urbaine à l'université Alberto Hurtado, au Chili, a conclu le premier panel en mettant l'accent sur l'importance de travailler sur les budgets urbains et la coordination, et en réimaginant comment la police doit interagir avec les communautés afin de coproduire une sécurité transparente.
Le deuxième panel était modéré par Pablo Fernández, du secrétariat mondial de CGLU. Benjamin Magalong, maire de la ville de Baguio, a souligné la nécessité pour les gouvernements locaux de travailler en étroite collaboration avec la police, afin de garantir une mise en œuvre transparente de la loi. Le maire de Bukavu Meshac Bilubi Ulengabo a expliqué que les efforts de la ville avaient été orientés vers la lutte contre la violence sexiste, et que la sécurité, dans l’après-Covid, impliquait de réévaluer la relation avec la police, et d'assurer une reprise saine, du point de vue économique et social, afin d'éviter que le traumatisme de la pandémie ne se transforme en violence à l'avenir.
Paula Mascarenhas, maire de Pelotas au Brésil, a partagé le plan de sécurité publique de la ville qui ne se limite pas à la vision de la police. Depuis 2017, a-t-elle déclaré, Pelotas travaille à l'intégration des forces de sécurité et à la coproduction de la sécurité, ainsi qu'à la prévention et à l'assistance aux jeunes, afin de renforcer les liens sociaux dans la communauté.
Santiago Saura, conseiller municipal de Madrid, a présenté les efforts de la ville pour réduire la violence sexiste pendant la pandémie, avec une réponse et des ressources accrues, y compris un plus grand dévouement dans les services sociaux pour les femmes et les enfants, conformément aux lignes directrices « Des villes sûres pour les femmes et les filles ». Il a également souligné la manière dont Madrid s'est engagée à construire des villes de paix, en s'appuyant sur les résultats du Forum mondial sur les villes et les territoires de la paix.
Stefanie Chetty, directrice de la politique et de la gestion urbaines au département de la gouvernance coopérative et des affaires traditionnelles, en Afrique du Sud, a souligné la manière dont le pays visait à répondre à la montée en flèche de la violence sexiste par une meilleure coordination de tous les niveaux de gouvernement et en travaillant à promouvoir la sécurité dans les espaces publics. Elle a en outre fait valoir que l'Agenda 2030 est plus puissant que jamais pour bâtir des communautés sûres dans l'après-crise.
Dr. Barbara Holtmann, auteure du Safer Community of Opportunity Tool (Afrique du Sud) et Ana Falú, conseillère UBUNTU de CGLU, ont clôturé le panel. Dr. Barbara Holtmann a plaidé pour la nécessité de changer nos relations, non seulement avec la police, mais aussi avec la loi. Un changement systémique est essentiel, car les forces de l'ordre sont partie prenante de la ville pour la sécurité, mais pas l'acteur principal. Il s'agit là, a-t-elle souligné, d'un défi à très long terme et nous devons institutionnaliser cette vision de la prévention à long terme afin de pouvoir régler ces problèmes efficacement. En réimaginant la sécurité, a-t-elle ajouté, nous devons prendre en compte le bien-être mental et le rôle des femmes pour garantir que les communautés restent en bonne santé.
Ana Falú a fait valoir que la violence est une préoccupation majeure, présente à tous les niveaux de décision, et de comprendre que la sécurité ne signifie souvent pas la même chose pour les hommes et pour les femmes. Elle a appelé à identifier la manière dont les questions de discrimination se recoupent avec les questions ethniques et religieuses. Si nous devons réfléchir aux effets (post-)pandémiques, a-t-elle soutenu, il est essentiel de s'appuyer sur les connaissances locales, ainsi que sur la vaste expérience des personnes qui travaillent pour les droits des femmes. CGLU, ONU-Habitat et Metropolis nous offrent la possibilité de répliquer les expériences, de générer des politiques de développement et d'intégrer notre apprentissage commun.
La session a été clôturée par Juma Assiago, spécialiste/coordinateur des Villes plus sûres, au service des pratiques urbaines HR&SIU d’ONU-Habitat. Il a souligné l'importance de la coproduction de la sécurité et à quel point il sera essentiel, pour aller de l'avant, de comprendre la gouvernance urbaine et de construire un nouvel ensemble d'indicateurs qui peuvent nous permettre d'évaluer le bon fonctionnement de la coproduction de la sécurité. Enfin, il a appelé à la mise en œuvre du Nouvel Agenda urbain, afin de nous fournir des outils pour construire un nouveau récit sur la sécurité.
Emilia Saiz a pris acte des demandes visant à changer notre façon d'interagir avec la loi, et a soutenu que pour développer des villes qui se soucient de la sécurité, nous devons prendre en compte cette dernière dans tous les plans, et y compris dans les budgets, en soulignant comment la redéfinition des finances locales peut contribuer à cet objectif.
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